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Clients d'Everest ( Philippe Grenier)

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Le 9 octobre 1992, sur les 11 personnes qui touchent le sommet, 5 Français d'une expédition commerciale. Commerciale ? Cela veut dire en gros que des guides sont payés pour encadrer des clients qui payent ( très cher) pour tenter l'aventure. Michel Pellé, responsable de cette expédition proposée par l'agence Terres d'Aventures, est l'un des deux guides sommiters. L'autre, c'est Philippe Grenier. Il nous raconte l'ascension des trois premiers clients français au sommet de l'Everest.

Parle-nous de ces clients avec qui tu as réussi l'Everest.
Pierre Aubertin, jeune informaticien, voulait devenir guide, il l'est devenu. Thierry Defrance un fort cycliste de 25 ans, n'avait pas d'expérience de la haute montagne et Alain Roussey, un policier de la route qui avait réussi à se faire sponsoriser par une marque d'ascenseur ! Seul point commun. Un désir profond, un rêve d'enfant. De bonnes économies. Et une excellente condition physique !

Combien de clients s'étaient inscrits ?
Dix sept en rêvaient. 3 ont réalisé leur rêve, quelques-uns ont atteint 8000, beaucoup ont réalisé qu'il ne suffisait pas de payer.

Mais la sélection doit être très difficile quand-même ?
Il n'y a pas de sélection ! Ca peut paraître bizarre mais on ne vérifie pas leur technique ou leur liste de course. Mais personne ne dépenserait 30 000 euros inconsciemment pour ne pas dépasser le camp de base. Celui qui s'inscrit est autonome en montagne, il connaît les risques objectifs et sa motivation est énorme. C'est ça l'essentiel, car techniquement, l'Everest n'est pas si difficile. Les grands problèmes sont l'adaptation à l'altitude, les risques objectifs comme les avalanches et bien sûr l'isolement qui te prive de secours.

Tu avais déjà fait l'Everest ?
Non, justement et j'en rêvais comme beaucoup d'alpinistes et surtout de guides. Au départ, je voulais profiter de la logistique de cette expé en payant ma place. Et puis l'un des guides engagés par Terres d'Aventure s'est blessé. Comme j'avais déjà fait deux 8000 ­ le Gasherbrum II et le Cho Oyu en chef d'expé-, on m'a proposé de le remplacer. Non seulement je n'ai pas payé mais j'ai été payé !

Ca doit être très bien payé?
Environ 150 euros par jour L'expé a duré presque deux mois. Fais le calcul en comptant l'effort et le risque. Tu comprendras qu'on ne fait pas ça pour l'argent. En vérité on a envie d'aller soi-même à l'Everest et on accepte de partager son expérience.

Mais les responsabilité sont énormes !
Dans ce genre d'expédition, les clients ne sont pas au bout de ta corde. Personne ne peut se faire hisser par quiconque jusqu'à une telle altitude. Le candidat à l'Everest est autonome. Notre rôle, c'est plutôt conseiller technique. Nous assurons un accompagnement, une présence, les prises de décision. C'est surtout un soutien moral.

Comment ça sa passe ?
C'est d'abord une longue série d'aller-retour pour s'acclimater. On a visé 6000 m, tous ensemble. Retour au Camp de base dans la même journée, repos, puis on est remonté à la même altitude pour y dormir. C'est le Camp 1. Sur cette étape, le moral est déjà bien mis à l'épreuve car c'est le passage de l'Ice Fall, la fameuse et redoutable cascade de glace.

Bon , vous êtes de nouveau au camp de base, et après ?
Objectif 7000. Et même topo. Tu atteints l'altitude, tu descends, tu te reposes et tu remontes à la même altitude pour y dormir. C'était notre stratégie.

Ca doit être terrible de repartir chaque fois à la case départ ?
C'est ça une expé. Des allers - retours incessants avant l'assaut final et beaucoup de temps morts. Tu écoutes de la musique, tu recharges les batteries. C'est une belle d'école de la patience. On a le temps de se connaître. La troisième fois qu'on a quitté le camp de base, j'étais déjà avec les trois clients qui allaient réussir le sommet.

Vous ne vous êtes plus quittés ?
Non, pour encore quelques allers-retours ! d'abord une nuit au camp IV, à 8000. Nuit blanche, sans oxygène. Le matin, on était pas frais et le vent était terrible. C'était impossible. On est redescendu au camp de base.

On n'a pas envie d'abandonner ?
On ne lâche pas comme ça l'Everest ! Après deux jours de farniente, les trois gars, quelques autres, Michel Pellé et moi, avons repris la route.. On a dormi dans chacun des camp jusqu'au camp IV de nouveau. Et cette fois avec oxygène. Donc ça allait mieux. Mais au matin, on s'envolait dans le vent donc marche arrière.

Encore ?
Là, il y a eu les derniers abandons. Nous, on s'est arrêtés au camp 2, à 6500 m et c'est à ce moment là que Michel Pellé et moi avons joué notre plus grand rôle car si nos clients étaient hyper volontaires, on savait qu'il leur faudrait une énergie gigantesque. On a tout fait pour la leur donner, puis on monté jusqu'au col Sud., à 8000.

C'est le plus dur, non ?
Beaucoup de gens n'ont pas dépassé le Col Sud. Je me souviens, c'était un truc de fous : on a attaqué à 1h 30, après avoir avalé une barre énergétique, des yaourts lyophilisés à la fraise et bu du thé bien chaud. Et on s'est échangé nos derniers encouragements par talkies de tente à tente tellement le vent était violent.

Pourquoi vos "derniers encouragements"?
Parce qu'à partir de là, on grimpe avec oxygène. On ne peut plus communiquer. Il n'y avait pas de lune. On avançait aux frontales, un masque sur les yeux, un autre sur la bouche. Tu as l'impression d'être sous l'eau. Tu n'entends plus que ta respiration et tu ne vois rien. C'est surréaliste.

Et les clients à ce moment-là ?
Guide ou pas guide, tu es dans le même état. La vérité, c'est qu'à ces altitudes, tu es mentalement diminué. Tu n'analyses plus rien. Tu avances sans réfléchir. Heureusement, lorsque le jour se lève et que tu découvres le sommet, tu comprends ce que tu fais là. J'étais devant, je donnais le tempo.

Si un client avait craqué si près du but tu n'aurais pas fait l'Everest ?
Heureusement, ça ne s'est pas passé C'aurait été très dur de renoncer.

Et au sommet, les clients devaient être fous de joie !
Tu es tellement épuisé que c'est plutôt un accomplissement que de la joie.


Philippe est de nouveau parti pour l'Everest avec "clients" au printemps 2003. Une expé commerciale japonaise cette fois. ET IL A ETE LE PREMIER SUR LE TOIT DU MONDE EN CETTE ANNEE ANNIVERSAIRE !