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Les acteurs du matos - Entretien avec Dominique Marchal - Etablissement Simond (01/06/04)

La maison Simond est un établissement qu'on ne présente plus et la fabrication de leurs piolets traverse les siècles avec talent. Aujourd'hui, Dominique Marchal reprend les rênes de cet établissement prestigieux en tant que Directeur Commercial et Marketing. Alpinisme.com rencontre pour vous ce personnage hybride entre milieu de la grimpe et monde industriel.


Dominique Marchal bonjour, vous êtes arrivé chez Simond il y a quelques mois, qu'est-ce qui vous a conduit jusqu'ici ?

Deux choses. D'abord, la rencontre avec le futur acquéreur de Simond. Ensuite, mon passé de grimpeur et de guide de haute montagne qui m'ont amené dans la vallée de Chamonix et puis aussi, diverses raisons qui m'ont amené à m'intéresser plus précisément au matériel, aux produits, à leurs aspects conceptions et commercialisations.


Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Je suis un mauvais élève parisien qui ne pensait qu'à grimper et qui a pris son sac à dos au milieu des années 70 en déclarant à son papa et sa maman : " Moi, je veux faire guide à Chamonix ". Je suis arrivé à Chamonix en auto-stop avec mon sac à dos et puis ça a marché. Ensuite, le processus a été assez facile pour moi, je me suis avéré un grimpeur brillant et ça m'a ouvert des portes. Ces portes m'ont mis en relation avec l'alpinisme de haut niveau que je pratiquais et puis aussi avec les fournisseurs. J'ai toujours été intéressé par cette partie.
Comme tout grimpeur, j'ai cherché à me faire sponsoriser. J'ai essayé de trouvé un lien avec les fabricants en essayant de fournir un travail en échange de ce qu'on pouvait me fournir. Je proposais de faire des tests de terrain, des critiques de produits, partager des idées innovantes et puis aussi rapporter des photos, des images plutôt que d'arriver en disant " bonjour, je m'appelle untel, je vais vous faire de la pub " car, à part si l'on est extrêmement célèbre, ça ne peut pas marcher comme ça. Donc, ça c'est la démarche qui m'a fait connaître des fournisseurs et me rapprocher d'eux.


Comment êtes-vous passé du guide au directeur commercial ?

Comme tout alpiniste, on rencontre des incidents de santé et des accidents qui vous font réfléchir à la difficulté de devenir un vieux guide. Quand je suis arrivé dans la vallée, j'ai observé certains aînés. Je trouvais qu'ils n'avaient pas une mine réjouie le matin avant de partir en course. Ils faisaient ça vraiment pour l'argent. Je ne voulais pas devenir comme eux. J'espère que je suis resté plus sympathique vis à vis de mes clients mais pour ça il a fallu que je prenne un peu de distance avec le métier. Et puis, un copain m'a mis le pied à l'étrier du commercial un jour de 1984. Il m'a dit : " Tu vas vendre des sacs à dos pour moi ". Je lui ai répondu non d'emblée : " J'ai pas le temps, je grimpe " et puis, après réflexion, l'idée de gagner ma vie autrement m'a plu et puis, quelque part, j'ai eu des facilités pour ça, ça a marché. Quand on a des retours positifs dans une activité, surtout au début, ça encourage à continuer. J'ai d'abord été représentant puis agent commercial. Après cette étape, il y a eu des expériences marquantes, j'ai introduit la marque Berghaus sur le marché français pour les sacs à dos comme les vêtements. Après, je me suis tourné vers Michel Béal qui est un ami. J'ai été un des premiers à lui dire : " passe-moi une corde, je m'occupe de ta pub ". Je suis rentré chez Béal comme concepteur des harnais dans les années 90 et j'ai participé à la conception et la commercialisation des produits pendant trois ans. Après cela, je me suis mis à mon compte d'agent commercial, j'ai repris chez Berghaus qui avait changé de propriétaire, j'ai travaillé avec des marques comme Wald Country ou Vallandré pour le développement et la vente des produits jusqu'au début 1997 où j'ai eu l'opportunité de prendre la direction commerciale de Charlet-Moser. Je me suis franchement bien épanoui dans ces responsabilités commerciales et marketing de Charlet-Moser. Développer des produits, participer à une dynamique industrielle, c'était moins de liberté pour aller en montagne mais c'était une disponibilité pour faire d'autres choses au sein de Charlet-Moser. Compte-tenu du succès de Charlet-Moser, la direction a décidé de vendre à Petzl mais je n'ai pas trouvé un terrain d'entente avec les acquéreurs sur des projets d'avenir et des stratégies et j'ai quitté l'entreprise.

A ce moment là, j'ai eu un appel des sirènes transalpines : Grivel m'a proposé de venir à Courmayeur avec un projet intéressant. Mais, par la suite, le projet présenté n'a pas été suivi dans les faits et je me suis trouvé en désaccord avec le patron. J'ai claqué la porte et je suis reparti de l'autre côté du Mont Blanc avec une période d'oisiveté, de recherche d'emploi pas facile.



Comment le projet Simond s'est-il mis en place ?

Dans ce même temps, dans les valises, il y avait le projet que Wichard devait acheter Simond. C'est une information que j'avais reçue en confidence. Le projet a pris forme, j'ai fait une enquête de marché, j'ai contribué à valider la qualité de l'acquisition de Wichard sur Simond et je suis devenu le Directeur Commercial et Marketing dans ces conditions.


Avez-vous une formation particulière pour assurer ces fonctions ?

Non, je suis complètement autodidacte. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, j'étais mauvais élève. En classe de terminale, au lieu de passer mon bac, j'étais en montagne en train de grimper. Je ne suis pas mécontent de ça parce qu'à part quelques moments de doute, ça a bien fonctionné comme ça. En revanche, je rencontre parfois les limites de l'autodidacte pour résoudre certains problèmes. C'est sûr que si j'avais un bagage supplémentaire je serais ravi mais bon, c'est pas essentiel. Je fonctionne plus dans une dynamique de groupe. Souvent, on me dit que je sais faire travailler les autres, y compris mes patrons. J'essaye de m'intégrer dans une équipe et d'être un élément moteur. Je crois que les capacités émergent plus en groupe que seul. Donc, ce que je sais faire, je le fais et ce que je ne sais pas faire, j'essaye de le partager avec les autres pour que les autres le fassent bien. Ca me pousse à faire confiance, et je pense que c'est une bonne chose. Quand on a de très grandes capacités personnelles, on a l'impression que l'on sait tout, à tous les postes et on est un peu aveugle. Lorsque l'on est un peu en difficulté, on apprend à faire confiance à des gens qui vont partager le pouvoir avec vous, qui vont partager les décisions importantes, décisions qu'ils prendraient avec ou sans vous. On fait partie d'une équipe plutôt que d'en être le chef incontesté. De ce point de vue, mon approche est différente de celle de Ludger Simond, homme très brillant qui a su inventer des produits marquants sans être alpiniste. Par exemple, la lame banane, est une innovation Simond qui a vingt ans d'existence et qui est toujours d'actualité pour les piolets en cascade de glace. Bravo à Ludger Simond qui a été à l'origine de quelques faits marquants de l'histoire du matériel d'alpinisme et d'escalade. Son entreprise était leader à la fin des années 80 et s'est stabilisé dans cette position. Le problème, c'est que le marché a continué à se développer et que ce n'est pas Simond qui en a profité, mais plutôt la concurrence qui s'est développée tandis que Simond est resté un peu figé pendant toutes ces années. De numéro un, Simond est passé numéro quatre ou cinq.


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