Pouvez-vous nous présenter l'acquéreur de Simond ?
Il s'agit de l'entreprise Wichard dont le poids est d'environ dix fois
supérieur à celui de Simond. Son organisation est intéressante.
C'est une entreprise industrielle du Massif Centrale, à Thiers, spécialisée
dans le petit accastillage marin. Cette situation est un peu étonnante
: être un leader mondial dans un domaine maritime alors que l'on se
situe au centre de la France. En fait, c'est le fruit d'une rencontre :
celle du chef de l'entreprise Wichard, passionné de voile avec Eric
Tabarly. Tabarly avait un besoin, Wichard avait un savoir-faire, le tandem
a bien fonctionné. Wichard est leader mondial dans ce domaine mais
il ne fabrique pas seulement des produits forgés et plastiques pour
la marine de plaisance, il intervient aussi dans le secteur médical
(ébauches de prothèse) et dans celui des équipementiers
automobiles ou aéronautiques notamment.
Comment voyez-vous ce "mariage" ?
L'équipe de Wichard a pu reprendre Simond parce qu'il y avait
certains points communs notamment sur une clientèle de loisir et
sur un outil industriel complémentaire. C'est vrai que les deux outils
sont complémentaires. Simond va plier le métal tandis que
Wichard va le déformer en le forgeant. Les deux approches en terme
de réflexion sont aussi complémentaires au sein des bureaux
d'études. Par exemple, on utilise aussi bien le cabestan en escalade
qu'en voile mais la gestuelle pour le faire et son utilisation sont un peu
différentes. Donc, il y a des parties communes mais avec des expériences
différentes. On espère que l'association de ces deux équipes
favorisera la créativité et que ceci nous permettra d'avoir
des idées que les autres n'auront pas. L'avenir de Simond réside
essentiellement dans ces idées. Sinon, nous devenons des suiveurs
et ça ne nous intéresse pas vraiment. On recherche avant tout
l'innovation.
Concrètement, comment tout cela s'organise ?
A la tête du groupe, il y a Olivier Naudin, PDG et actionnaire.
Ensuite, pour chaque partie du groupe, il y a un responsable de fabrication.
Chez Simond, c'est Olivier Sondaz. Et puis, il y a un responsable commercial,
marketing et développement. Ceci implique que le développement
des produits est en relation avec le commercial et non pas rallié
à la production. L'intérêt de ça, c'est que les
commerciaux ramènent des besoins de consommateurs qui sont analysés
par le bureau d'études et qui inspireront de nouvelles idées.
Quand vous rattachez le bureau d'études à la production, le
raisonnement se fonde trop souvent sur les seules capacités de production.
Par exemple, s'il faut remplacer l'acier des lames de piolet par des matières
synthétiques et que l'équipe de production répond "
ça n'est pas possible, on ne sait pas faire " alors que le
marché dicte que ça doit être en matière synthétique,
on est face à un problème. Un bureau d'études suffisamment
ouvert doit permettre d'intégrer les données du marché.
Comment s'est passé votre prise de fonction chez Simond ?
La réaction que j'ai eue en arrivant ici, c'est de faire le buvard
en m'abstenant de critique. Je me suis donné 6 mois avec cette attitude
avant de prendre des décisions un peu plus stratégiques qui
n'auront pas été prise à la hâte mais fondées
sur ces mois d'observation. On a des idées mais avant de les ficeler,
on veut voir pourquoi Simond en est là. Il y a des points hyper positifs
et des points qui le sont moins. Et si on veut faire des actions correctives
sur ces points là, il faut comprendre pourquoi : Est-ce une faiblesse
structurelle ? Est-ce une faiblesse de personne ? Est-ce une faiblesse de
stratégie ? S'il y a faiblesse, faire le bon diagnostic avant de
donner un remède est important. C'est pas simple.
Comment voyez-vous l'organisation du travail chez Simond ?
Avant tout, c'est le travail d'une petite équipe. D'une part,
on est 22 personnes, en terme de chiffre on fait environs 3 millions d'euros,
c'est une petite entreprise. Certains magasins de sport sont plus gros que
nous avec plus d'employés et de chiffre d'affaire donc il faut prendre
en compte cette position. Dans le secteur du sport, on a souvent des noms
"gros comme ça" et des chiffres d'affaire "petit
comme ça ". Une grande partie de notre clientèle sont
des gens plus " gros " que nous. Donc, on doit rester modeste.
D'autre part, c'est un travail d'équipe dans lequel je m'investis.
Le responsable du bureau d'études vient de prendre ses fonctions
sous ma responsabilité. C'est quelqu'un que je connais bien, je suis
allé le chercher. Alors, pour le développement des produits,
je vais parfois soumettre des idées ou je vais avoir un oeil critique
sur ses idées à lui. Mais, dans tous les cas, ce sera une
réflexion collective. Ensuite, on fait la synthèse avec le
commercial et le marketing. Cela dit, chez nous, plutôt que de parler
de prix, nous parlons d'abord du produit. On propose des produits dont la
qualité est le premier argument. On ne veut pas de subterfuges marketing
avec des publicités qui avancent des thèmes artificiels autour
du produit pour le vendre. En revanche, on ne veut pas se retrouver avec
ce problème si franco-français de développer un bon
produit et de ne pas savoir le vendre. Les Anglo-saxons sont meilleurs à
ce niveau là : ils savent inventer une histoire avec un besoin et
ils incluent leur produit dans cette histoire. Ayant beaucoup travaillé
avec eux, j'ai envie de mélanger ces différentes cultures.
A qui s'adresse Simond aujourd'hui ?
Aux grimpeurs et aux alpinistes en premier lieu. Après, il y a
des activités qui sont concernées de près ou de loin
par nos produits : le hors-piste, la via ferrata, les parcs aventure génèrent
du chiffre d'affaire mais ces clients sont aussi plus "zappeurs",
les gens viennent goûter des activités sans devenir des fidèles.
Il ne s'agit donc pas de consommateurs très attractifs pour nous.
Parfois, ils vont acheter du matériel mais le plus souvent ils vont
le louer ou on va leur prêter le temps d'une activité. Certaines
chaînes de produits bas de gamme répondent bien à ce
type de consommateur. Nous, on n'est pas du tout dans cette logique là,
on s'adresse aux passionnés. Aujourd'hui, les passionnés ne
sont plus si nombreux que ça, je dirais qu'ils se raréfient.
Avant, il y avait moins de consommateurs mais ils pratiquaient l'activité
plus longtemps, on accompagnait le consommateur pendant plus longtemps.
Ce changement de clientèle n'a pas été perçu
tout de suite par certaines entreprises qui se sentaient "indétrônables",
et du jour au lendemain, d'autres entreprises ont repris l'avantage. Le
marché va beaucoup plus vite aujourd'hui : une marque peut monter
et redescendre plus vite que par le passé. Il faut en tenir compte.
Le marché de l'alpinisme n'est malheureusement pas à la mode.
Les exploits himalayens n'intéressent plus grand monde. L'alpinisme
un peu rude, avec de l'engagement ne concerne qu'une minorité. Les
voix d'escalade qui se faisaient dans les années 80 sont désertes.
Les gens veulent aller au Mont Blanc et on ne les revoit plus après.
Par ailleurs, une grande partie des voies en falaise sont équipées,
parfois, les grimpeurs utilisent même des mousquetons en place. Dans
les structures artificielles d'escalade, c'est la même chose. Ca n'est
donc pas un marché en expension.
Comment voyez-vous l'avenir avec Simond ?
De manière générale, on veut être encore plus
à l'écoute des demandes des consommateurs, on veut vraiment
être moteur dans cet univers de l'alpinisme et prendre les risques
inhérents aux activités de développement. On va développer
des produits de niche en petite quantité, qui concernent une demande
ciblée dans un marché spécifique. Nous avons un outil
très souple qui nous permet d'adopter cette orientation. On maîtrise
80% de la production alors que dans des entreprises concurrentes, on maîtrise
entre 10 à 70% de la production.
On a tout à fait les moyens de maîtriser de toutes petites
séries en alternance et de développer une stratégie
de proximité avec le marché. On est très bien adapté
pour travailler comme ça.
Merci et bonne chance à vous et à Simond.
Interview Réalisé par Viviane Seigneur
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