Comment s'y rendre : Air India jusqu'à l'aéroport de Bangalore . Taxi jusqu'à la gare centrale, puis train de nuit jusqu'à Hospet (1ère classe conseillée) . Beaucoup de patience pour obtenir votre billet pour Hospet (entre une heure et deux heures). Si vous êtes bloqués à Bengalore, plusieurs heures ou une journée, vous pouvez toujours prendre un lit dans les dortoirs (plutôt propres) réservés aux voyageurs et situés dans la gare. A Hospet, au quai n°10, des bus réguliers vous permettent de rejoindre Hampi (17 km.) facilement.
Hampi : imaginez la forêt de Fontainebleau , multipliez par deux ou trois pour la surface, remplacez les blocs de grès gris par des blocs de granit rose, les pins et les sapins par des bananiers et des palmiers, ajoutez-y quelques temples ou vestiges anciens, et pour finir un petit village où coule une rivière, ... Vous-y êtes !
Topo : un topo est en cours de réalisation, on peut le trouver dans l'une des boutiques du Bazar. Attention c'est un exemplaire unique ! Chacun peut y rajouter sa note et y piocher des informations . Si l'envie vous prend de laisser votre trace sur les blocs à coup de pinceau, soyez discrets et respectueux du travail déjà effectué.
Harry est un forcené d'escalade. Habitué du secteur depuis une bonne décennie, il a assisté à son évolution au fil des ans. Nous avons pris l'habitude de grimper ensemble depuis une dizaine de jours. Quand je le retrouve sur le plateau, il est en train de jongler dans le soleil couchant. Grand voyageur devant l'éternel, un tantinet agressif avec les indiens, je le sens un peu amer et désabusé. Pas très social, lui non plus, le goût du rocher nous réunit.
Avec un plaisir évident, il m'a fait découvrir le coin, son coin, dédale de blocs aux formes étranges, majestueuses et esthétiques. De-ci de-là, un temple vieux de 500 ans, un rempart, une statue, peu de monde en général ... Excepté les gardiens du temple justement, policiers en uniforme, qui, effrayés par nos exhibitions, tentent vaguement de nous empêcher de grimper. Il ne s'agit pas tellement pour eux de faire respecter une quelconque interdiction mais plutôt de s'éviter le spectacle pénible d'une chute éventuelle qui viendrait troubler leur douce léthargie. Bengalis mutés à des milliers de kilomètres de chez eux, ils sont à peine moins étrangers que nous dans cette contrée. Nous les rassurons gentiment en leur expliquant que nous sommes des spécialistes et que nous pratiquons un genre de "climbing yoga" pas si éloigné que ça, après tout, du yoga traditionnel pratiqué dans ce pays. Comme toujours en Indes, tout finit par s'arranger et nous n'échapperons pas à la photo de groupe que, bien entendu, nous leur enverrons dès notre retour.
Nous passons trois à quatre heures par jour, avant et après les grosses chaleurs, dans la lumière crue et dorée du petit matin, ou celle plus douce et orangée du couchant, à baguenauder entre les blocs, imaginant des itinéraires, absorbés par la roche, jusqu'à faire naître le "right feeling" qui nous permettra à l'un ou à l'autre, une belle réalisation. Harry est un spécialiste des traversées violentes et physiques. Pour ma part, ayant passé l'âge de la performance physique, je préfère le travail mental et l'exposition. Sans fuir la difficulté pure, j'aime ce jeu de l'esprit qui fait ralentir la progression au fur et à mesure que le vide se creuse et que le doute progresse. Il faut éviter le blocage, trouver la réponse juste, grimper léger ... Car, si la qualité générale du caillou est très bonne, il arrive parfois que les écailles douteuses vous restent dans la main sans prévenir . Et l'éternelle question, à Hampi, c'est "tiendra ou tiendra pas ?".
Chaque nouvelle ouverture est un petit événement que nous savourons pleinement, mais il y a déjà une bonne centaine de blocs fléchés, réparties en bleu, rouge et noire, et culminant dans le 7c/8a. Les possibilités sont infinies . Vous trouverez aussi quelques voies de 15 à 20 m. équipées en spit de douze.
Mais ce soir, pas de chaussons, je quitte les lieux demain et viens juste respirer l'atmosphère du plateau et profiter de ce dernier coucher de soleil . Il disparaît maintenant derrière l'horizon , mais éclaire encore les nuages d'altitude d'une lumière jaune et rose, plafond lumineux qui irradie le village, les temples et les blocs d'une lumière irréelle.
Sur la route à une voie, le dernier bus pour Hospet, vide et brinquebalant, s'éloigne dans la pénombre naissante ...
Michel BORDET