Jean Marc, acheteur et vendeur de matériel de montagne pour les
magasins SNELL n'est pas seulement un "pro" avec toute ses
lettres de noblesse, c'est également une vraie figure dans l'univers
du matos. Ses qualités et ses compétences sont reconnues chez
les fabricants comme chez les clients de toutes nationalités et de
niveau confondus.
En quoi consiste ton métier ?
Il y a plusieurs phases dans mon métier. Je m'occupe des achats
donc je me renseigne sur l'actualité des produits et sur leur bien-fondé.
Si j'en ai réellement besoin en magasin, si le produit correspond
bien à un besoin de la clientèle, s'il est bien adapté,
alors j'achète et ensuite, je dois le vendre au client. Voilà
les 2 phases du métier.
En combien de temps devient t'on un vendeur de "matos"
de montagne digne de ce nom ?
C'est difficile. Tu peux avoir une très bonne connaissance du
matériel que tu utilises. On va dire qu'un jeune alpiniste qui a
commencé relativement tôt sait parfaitement que son piolet
ou son crampon est efficace dans telle situation et pas dans telle autre.
Ensuite, de là à s'adapter à la clientèle, surtout
ici à Chamonix, on a une clientèle très très
vaste, qui va du randonneur basique jusqu'à l'alpiniste très
confirmé. Donc, donner un temps de "formation" d'un
vendeur, c'est très délicat. Je dirais, quelques années.
Et toi, depuis combien de temps tu fais ce métier ?
15 ans dont 12 ans à Chamonix. J'ai commencé à vendre
du matériel de montagne dans un magasin de Samoëns. Le matériel
était plus simple, moins technique qu'à Chamonix. A Chamonix,
on voit la montagne différemment mais Samoëns, c'est déjà
de la montagne.
Comment s'établissent les liens entre un vendeur et un client ?
Il faut d'abord mettre en confiance les clients, c'est pas évident.
Aujourd'hui, trouver des vendeurs qui soit à la fois des grimpeurs,
des alpinistes ou qui ont déjà des bases dans ce domaine et
qui savent parler du matos, c'est pas simple. C'est ce que je te disais
précédemment, tu peux très bien être un alpiniste
de haut niveau et ne pas pouvoir parler de matos de manière adaptée.
Par exemple, pour choisir un piolet, il pourra dire celui-là, il
me va très bien mais il ne saura pas identifier le piolet adapté
à tel type de client et ne pas voir la différence entre 2
piolets qu'il n'utilise jamais. Pour le ski, c'est encore plus évident,
un bon skieur va être à l'aise sur tous les skis alors qu'un
débutant ou un skieur moyen aura besoin d'un matériel accessible,
qui le mette en confiance donc il faut se mettre à la place du client
et ça, c'est difficile. C'est d'autant plus difficile que la plupart
du temps, on a des vendeurs saisonniers qui sont des grimpeurs avant tout
et qui ont du mal à se mettre à la place d'un grimpeur moyen.
C'est particulièrement vrai à Chamonix, on peut avoir un petit
peu de condescendance quant au niveau technique. A mon avis, le plus dur
dans ce métier c'est ça : c'est savoir se mettre à
la portée de tout le monde et écouter, écouter, écouter.
Est-ce que tu penses que la façon de sélectionner le
matos à Chamonix est un peu élitiste ?
Je dirais oui, c'est un choix. Et ce choix correspond à nos impératifs
économiques. Aujourd'hui, nous sommes dans une guerre économique
et si Chamonix oublie ce pourquoi il est, nos magasins n'ont alors plus
de raison d'exister. Aujourd'hui, tu peux trouver un équipement de
qualité partout ailleurs en France. Si toi, tu n'es pas capable de
trouver la chaussure qui va à 8000 mètres avec laquelle tu
as chaud, si tu ne peux pas fournir le ski ultra léger pour partir
à l'aise en Himalaya, tu n'as plus de raison d'être. Tu dois
être différent, tu dois t'engager sur des produits rares tout
en offrant un choix suffisamment large afin de n'oublier personne.
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