santé, dossier médical




REPORTAGE Sylvain PERRET

Bonjour Sylvain, tu es un alpiniste amateur et engagé de 34 ans et tu as réalisé le tour du monde des sommets pour aider la recherche sur le cancer !

Pourquoi un tel défi ?


Après avoir découvert l'alpinisme assez tard (vers l'âge de 25 ans) j'ai commencé à grimper des sommets de plus en plus hauts (Toubkal, Mt Blanc, Kilimandjaro, Mera Peak ?) ou de plus en plus engagés (Islande, Argentine, Spitzberg, Groenland?). A force d'organiser ce type d'expédition, mes trois semaines de vacances annuelles n'arrivaient plus à satisfaire cette soif de grimper, de découvrir ce qu'il y a plus haut, plus loin, plus beau. Il fallait que je fasse quelque chose de plus, mais je ne savais pas quoi ! L'idée d'un voyage au long cours a germé, puis celle d'un tour du monde s'est précisée. Enfin pour coupler ce projet à ma passion pour la montagne, je me suis fixé l'objectif d'atteindre le point culminant de chacun des pays que je traverserais. Mon projet était né, il n'y avait plus qu'à se donner les moyens de le réaliser.


Comment ton aventure est-elle devenue un acte de solidarité et de générosité ?

Deux jours avant mon départ, on a détecté un cancer en phase avancé chez mon père. Alors que je les abandonnais pour une année complète, mes parents allaient vivre les pires moments et pour une fois avoir besoin de mon soutien et ma présence. Une culpabilité énorme me retenait auprès d'eux, mais l'impossibilité d?abandonner ce projet pour lequel j'avais tout sacrifié me poussait à partir. Pas le temps d'hésiter, mon entourage m'a convaincu de ne pas ajourner mon départ. Mais je ne pouvais pas rester sans rien faire, il fallait que je trouve une manière d'aider mon père à distance.


Comment as-tu réussi à collecter 11 000 euros de dons au profit de l'Association pour la Recherche sur le Cancer pendant son périple ?

J'ai décidé de proposer aux personnes de mon entourage de s'associer à mon action en s'engageant à donner une petite somme d'argent pour chacun des sommets que je gravirai. Un, deux, cinq, dix euros, ce qu'ils voulaient. Chaque fois que j'atteignais un sommet, ils mettaient cet argent dans une cagnotte, que j'ai récoltée à la fin de mon tour du monde pour la remettre à un organisme de lutte contre le cancer.

Soixante sept personnes m'ont suivi, elles ont totalisé presque 11.000 eur de dons. C'est inespéré.



Explique-nous ton expédition. Combien de pays ? De sommets ?

Je suis parti de France, vers l'est, toujours vers l'est. Direction l'Europe centrale et le Proche-Orient, en passant par le Caucase, jusqu'en Iran. Puis un avion m'a mené de Téhéran à Bangkok, et je suis descendu par l'Asie du Sud-est vers l'Australie et la Nouvelle-Zélande avant de traverser le Pacifique pour remonter toute la Cordillère des Andes, de Santiago à Caracas.

J'ai traversé 20 pays et 5 îles en douze mois (soit en moyenne quinze jours par pays !) et gravi 42 montagnes. (soit une montagne tous les 8,5 jours pendant un an). J'en ai raté 5.

102.000m de dénivelé en tout. Les sommets s'échelonnaient de 507m (Teraveka, île de Pâques) à 6962m (Aconcagua, Argentine), dans les conditions les plus variées : sécheresse et chaleur extrêmes, douceur, froid intense, jungle infranchissable, tempête, forte activité volcanique, très haute altitude, etc... Quasiment toujours seul.


Ton meilleur souvenir ?

Il y en tellement ! Je citerai l'accueil des Iraniens, la superbe ascension dans des conditions idylliques du sommet le plus éloigné du centre de la Terre : Le Chimborazo, en Equateur, ou la découverte émerveillée de l'île de Paques. Sans oublier les paysages de Bolivie, la douceur de vivre en Colombie, l'ascension du Ararat, la Géorgie, les volcans indonésiens ...


Ton pire souvenir ?

Une nuit d'angoisse entre les crevasses du Caucase, ou l'arrivée au sommet de l'Aconcagua, où j'ai failli perdre deux doigts de la main droite à cause du froid intense. Et un cambriolage de ma tente, quelques petits soucis de santé mais vraiment rien de notable. 95% du temps c'est du bonheur pur !


Tu es ingénieur Arts et Métiers, comment as-tu pu quitter ton travail pour réaliser ton projet ?

Ça a été une décision difficile. J'avais un bon poste dans une très grande entreprise automobile française, des collaborateurs super sympas, de belles perspectives d'avenir. En concertation avec ma hiérarchie, j'ai d'abord demandé une année sabbatique. Mais un mois et demi avant mon départ, la situation économique se dégradant, un plan social a été proposé. Une cellule d'inscription pour les départs volontaires a été mise en place : avant même l'ouverture j'étais le premier devant la porte, décidé à rompre les liens de façon définitive. Au vu de la situation actuelle du secteur automobile, je ne le regrette pas.


Ton engagement fait actuellement des émules, penses-tu que nous nous dirigeons vers des actes sportifs axés sur la solidarité pour aider les associations caritatives ?

Les deux démarches (sport et solidarité) sont 100% compatibles car elles partagent les mêmes valeurs : engagement, détermination, motivation. Il est très facile de "brancher" une action caritative à un défi sportif, j'encourage tous ceux qui se sont engagés dans un défi de ce type à l'enrichir d'une action de ce type, même très simple, il n'y a pas de petit niveau.

J'étais parti pour assouvir ma passion de l'alpinisme et grimper des montagnes en solo. Et au final j'ai découvert que ce qui m'a fait tenir, ce qui m'a motivé, c'est d'en faire quelque chose de plus que cette déjà très belle et honorable réalisation d'un rêve. Grâce à mon projet de récolte de fonds contre le cancer, j?ai trouvé un nouveau sens à mon action qui a pris une importance considérable, notamment dans les inévitables moments de découragement qui ont jalonné mon aventure.

Tu es passionné d'alpinisme, que comptes-tu faire maintenant ?

Après mon retour, j'ai consacré cinq mois à la rédaction du récit de cette "année sommetique". Je compte maintenant faire éditer mon bouquin et reprendre une activité professionnelle (grimper des montagnes ne me permet pas de gagner ma vie). Puis un jour, je repartirai.

As-tu de nouveaux projets ?

J'en ai un par semaine ! Il existe tellement de beaux endroits à découvrir, de gens fantastiques à rencontrer, de sommets à gravir ! Je pense que mon prochain objectif sera d'aller voir au-delà de 8000 comment ça se passe. Par curiosité. Parce que ça existe, et que je m'en sens capable. D?ailleurs, si quelqu'un cherche un équipier sérieux pour un projet de la sorte...

Ta définition de l'alpiniste ?

Je citerai Gaston Rébuffat en modifiant un peu sa pensée "L'alpiniste est un homme qui conduit son corps là où, un jour, son coeur a décidé de monter."

Ton mot de la fin.

Je souhaite dire à tous ceux qui hésitent encore à se lancer dans la réalisation de leur rêve qu'il n'existe qu'un seul cap difficile à passer : celui de la décision. Une fois le coeur convaincu, il suffit de se laisser porter, et on trouve les moyens de se lancer dans son projet.

Merci encore pour ces quelques mots et bravo pour ta singulière et belle expédition.

Merci à alpinisme.com de s'intéresser à cette aventure. A bientôt !

Le livre de Sylvain va bientôt paraître.
Pour être tenu informé de sa sortie: c'est ici

30 mars 2009