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1887 - 1903 ---------- ou comment joindre Petit et Grand Dru

Un passage a été trouvé conduisant au Grand Dru et un autre conduisant au Petit. Comment ne pas avoir envie de passer de l'un à l'autre ? Pourtant, une muraille noire, verticale et particulièrement rébarbative les sépare : 60 mètres de hauteur de rocher sans cesse glacé par le courant d'air qui s'échappe du couloir nord.

Pourtant, le 31 août 1887, François Simond, Emile Rey et H. Dunod parviennent à traverser du Grand au Petit Dru à l'aide de longues cordes maintenues du haut et en empruntant plutôt le versant nord.
" ... Nous emportions 80 mètres de cordes, huit pointes à boucle et nous savions à peu près où nous voulions descendre. Notre caravane était vraiment imposante. Elle comprenit deux guides titulaires, François Simond de Chamonix et Emile Rey de Courmayeur ; deux guides auxiliaires qui devaient nous accompagner au sommet du Dru supérieur, nous aider à effectuer notre descente et redescendre ensuite, eux-mêmes, par le chemin ordinaire ; enfin un porteur qui ne devait pas dépasser le Rognon de la Charpoua..." François Simond, attaché à la corde maintenue du haut par ses compagnons, mettra plus de deux heures à chercher, à droite, puis à gauche, le bon passage "sur une paroi de rochers difficiles, verglacés, entremêlés de plaques de glace dure d'une inclinaison invraisemblable" pour rejoindre la brèche.

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Ce passage, "le plus escarpé qui soit" et rendant la "corde absolument indispensable" à la descente, est jugé ne pouvant être remonté que par des "biceps tout à fait remarquables et à condition qu'une corde solide soit scellée en haut de la fissure".

C'est ce qui se passera deux ans plus tard : une cordée, du sommet du Grand Dru hisse les alpinistes à la corde.

Le 19 août 1893, Joseph Ravanel, accompagné de son client, O.G. Jones, inaugure un nouvel itinéraire de descente le long de la paroi sud-ouest : un rappel lui est nécessaire, bien sûr, mais il n'utilise que 30 mètres de corde.

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Enfin, le 23 août 1901, Emile Fontaine avec Joseph et Jean Ravanel réussissent la première traversée sans aide extérieure. La cordée parvient au but avec de grosses difficultés, en utilisant largement la paroi nord du Grand Dru. Une aventure assez extraordinaire...

"Au départ de la brèche qui sépare les deux sommets, nous dûmes descendre un peu le couloir rapide, en glace vive, du versant nord de l'Aiguille. Ensuite, pour nous engager le long de la paroi, nous fûmes obligés, à cause de la raideur de la pente, de nous coller le plus possible au rocher. Vers le bas, la perspective nous montrait bien le glacier du Nant-Blanc, sans toutefois nous permettre de voir la base du Dru, parce que la ligne visuelle était à peu près celle de la tangente au profil légèrement bombé de la montagne en ce point, laquelle, dans son ensemble, se montre presque sous l'aspect d'un immense pain de sucre.

Pendant que les trois alpinistes qui composaient la caravane se trouvaient répartis horizontalement, à grande distance, le long de la muraille verglacée, et que les deux premiers de l'équipe avaient déjà franchi un mauvais endroit qui poussait désagréablement au vide - endroit peu recommandable aux personnes obèses - le dernier guide ne parvenait point, à cause du sac dont seul il était chargé, à franchir l'ennuyeux passage."(...)

"Dans la suite, deux autres passages nous causèrent de l'embarras. Le premier de ceux-ci nécessita l'emploi de la courte échelle, qui fut dressée sur une corniche étroite où l'exiguïté de la place, pour poser au début et à la fois les pieds des deux alpinistes de tête, constituait déjà un problème difficultueux.(...) Bref, la dernière barricade ne céda que grâce à la grande habileté de notre chef de file, Joseph Ravanel. L'obstacle se montrait sous l'apparence d'un mur très droit, de six à sept mètres d'élévation, mur qu'en relevant la tête nous distinguions fort bien d'où nous étions, mal perchés sur une pente de glace très rapide.

Lorsqu'il fut engagé dans la voie supérieure, Joseph nous dit que c'était une "sale cheminée". (...) En tous cas, la muraille dont je me souviens obligeait, pour être gravie, de s'agripper à des parties verglacées sans prises apparentes, et tandis que Ravanel, engagé à une grande longueur, bataillait et sacrait peut-être contre sa maudite cheminée, nous autres, tous debout - condamnés au repos un seul pied sur une modeste pierre affleurant la glace - nous attendions que le sort voulût bien en décider.

De la façon scabreuse dont notre chef de file était agriffé contre la paroi, il devait lui être impossible de pouvoir jamais rétrograder d'une autre manière qu'en dégringolant. Les dix ou quinze minutes qu'il fallut probablement pour terminer cette lutte me parurent un siècle..."

Il faudra attendre deux ans encore, le 7 août 1903, avant que Jean Ravanel, A. Comte et F. Giraud ne trouvent le fameux passage du Z : comme son nom l'indique, cet itinéraire zigzague en paroi nord, traversées horizontales, vires, fissures...

A l'époque, on ne dispose encore que de peu de matériel spécialisé pour la montagne. C'est ainsi que Jean Charlet-Straton utilise, en guise de piton, de grosses crosses de charpentier pour poser ses rappels ; les cordes de chanvre ressemblent à s'y méprendre à celles qui sont utilisées pour les travaux de la ferme. Pourtant, course après course, les alpinistes tireront les conclusions de leur propre expérience.

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"L'aiguille du Dru, composée presque uniquement de bon granit franc présente des rugosités qui donnent prise au ferrement des chaussures. On peut croire opportun, plutôt que de faire mordre le métal dans du granit très résistant, de fournir à celui-ci l'occasion d'entamer la bordure du soulier du grimpeur. Le fer extra doux grippe bien sur la roche cristalline, alors que les clous d'acier, surtout lorsqu'ils sont durcis par la trempe, glissent et ne conviennent guère que pour la glace : les clous d'aluminium offrent l'avantage d'être tendres et légers ; mais ces clous, trop mous, contraignent à l'ennui de les remplacer presque continuellement."