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1992 - 1993 - du 27 décembre au 2 janvier --------- Premiere en solo de la directissime francaise
Francois Marsigny
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"Je ne m'étais jamais confronté à des ascensions
solitaires de cette ampleur.(...) Dès l'attaque dans le dièdre
enneigé, j'ai senti qu'il me faudrait plus de temps." C'est
ainsi que François Marsigny, grimpeur solitaire, commence son histoire
vécue dans l'immensité de la face ouest des Drus.
Voie cotée "Extrêmement difficile", elle se
déroule sur 500 mètres de paroi granitique avec des passages
maximum de 6b et A3 ! Voilà à peine plus de dix ans qu'elle
a été ouverte, moyennant deux équipes et plusieurs
jours d'efforts intenses.
Dièdres glacés, plates-formes médiocres, surplombs
paraissant infranchissables, crainte du mauvais temps qui vous surprend...
Malgré ces mauvaises conditions d'escalade, la face ouest des Drus
garde, à l'époque, un attrait puissant, et François
Marsigny n'y échappe pas, sentant monter, au fur et à mesure
de son avance dans la voie, toute la motivation qui lui est nécesaire.
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Pourtant, seul dans cette immensité, le grimpeur doit mettre tous
ses atouts en jeu s'il veut arriver à ses fins. Les techniques d'escalade
les plus fines, la préparation physique la plus élaborée,
le mental le plus solide lui sont indispensables, et même parfois
vitaux. C'est notamment le cas lorsque, à l'aube du dernier jour,
malgré un soin particulier accordé à son matériel
tout au long de l'ascension, une maladresse impardonnable lui fait perdre
son sac !
"Samedi 2 janvier 93, 11 heures du matin, je viens de perdre mon
sac de matériel de bivouac contenant toute ma survie en paroi. Et
même si les plus grosses difficultés sont derrière moi,
il me reste encore quelques longueurs délicates avant de sortir la
face. Alors que je remonte le long de ma corde, je prends conscience progressivement
de la situation dramatique dans laquelle je me trouve.
Après avoir fait des signaux de détresse, j'assiste impuissant
aux tentatives d'approche osées des hélicoptères que
le vent très violent repousse loin de la face. La responsabilité
me pèse, et c'est avec soulagement que je les vois enfin s'éloigner.
Si j'avais encore la radio, j'annulerais toute cette opération de
secours, ne me sentant pas le droit de faire prendre de tels risques aux
sauveteurs.
A nouveau seul, je sais que je vais devoir me battre avec l'énergie
la plus farouche. Et c'est avec une détermination nouvelle que je
reprends l'escalade, regrettant les deux précieuses heures de jour
perdues à attendre l'hypothétique secours.
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Il est maintenant 18 heures et je me prépare aux quatorze heures
d'une nuit d'épouvante.
Trente-trois ans, l'âge des confrontations. Je me sauve dans la
préparation de ce semblant de bivouac. Je deviens granit pour échapper
au vent, je deviens insecte pour oublier le froid. Avec un morceau de matelas
mousse retrouvé, je me fabrique une carapace pour me protéger
le dos et je bloque le tout avec des anneaux de corde que je m'enroule autour
du buste. Illusoire protection.
J'attends, j'attends la vie qui viendra demain et qui me délivrera
de cet enfer glacé. Je pense à des hommes d'épreuve
et de force (...). Alors la nuit s'atténue, les heures passent et
le froid ne peut m'envahir. Je ne craquerai pas.
L'aube arrive lentement à la suite de ces nuits d'hiver. Le temps
s'étire en longueur et le froid reste agressif. Bientôt le
jour et les premiers mouvements douloureux d'escalade." | |