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1983 - du 10 au 13 janvier : Premiere hivernale de la voie Lesueur dans la face Nord
Thierry Renault et Andy Parkin


Dans la face nord, quand on parle de la voie Lesueur, on parle de rocher... Mais Thierry Renault et Andy Parkin n'ont pas l'impression d'avoir réalisé une première hivernale sur rocher. Ils ont plutôt le souvenir d'avoir accompli une première puisque cet hiver-là, la ligne d'ascension de cette voie est tout entière tapissée d'une goulotte de glace éphémère qu'ils n'ont jamais vue auparavant.

C'est lors d'une virée à skis sur le domaine des Grands Montets que, depuis le point de vue de Bochard, ils découvrent cette formation de glace inopinée. Après observation, ils décident que "ça doit passer" et redescendent aussitôt préparer leurs sacs.

A midi, le même jour, ils sont au pied de la voie. dans leurs sacs, de la nourriture - légère - pour trois jours, des crampons, deux piolets-tractions chacun. Ils emportent peu de broches à glace, convaincus que l'épaisseur de glace formant cette goulotte est très fine. Par contre, ils prévoient de placer leurs points d'assurance à l'aide de coinceurs dans les fissures longeant la goulotte ele-même, quitte à dégager ces fissures lorsqu'elles sont encombrées de glace ou de neige.

L'ascension se déroule dans une ambiance sévère, mais somme toute assez agréable car la température reste clémente, ce qui rend la glace relativement douce. Les pointes des crampons et des piolets accrochent bien sur ces étroites langues glacées, la ligne d'ascension est verticale, fine et élégante, la glace s'étant formée de façon rectiligne du haut en bas de la paroi en suivant quelque dièdre ou fissure. A aucun moment, ils n'auront l'impression de grimper à l'intérieur d'un couloir enfermé. Ils sont bien en pleine face nord !

les Drus
les Drus

L'ascension reste techniquement très difficile, toujours soutenue, le plus souvent très engagée, et ne les autorisera pas à poser les crampons. Trois bivouacs leur seront nécessaires pour accomplir ce bel exploit. Ils en passeront deux avec un hamac pour deux !

En réalisant cette troisième ascension de la voie Lesueur - et première hivernale - ils se posent en véritables précurseurs. En effet, dix ans les séparent de la première ascension du couloir nord, mais il faudra attendre dix ans encore avant que la mode ne pousse les glaciéristes à rechercher, pour la beauté des lignes, ces goulottes éphémères qui, de temps en temps, se forment le long des parois, durent quelques jours ou quelques semaines seulement, puis disparaissent...

Le mauvais temps les rattrape lorsqu'ils atteignent le sommet. Ils rejoindront le refuge de la Charpoua où, toute la nuit, le vent soufflera une neige si pulvérulente qu'elle pénètre entre les interstices des parois du refuge. Le lendemain, ils dévalent les pentes pour rejoindre Chamonix. Leurs pas font voler autour d'eux la neige légère que le soleil éclaire de mille paillettes d'argent.